Le 1er avril 1918. Émeute à Québec contre la conscription

31 jan 2013

Au printemps 1918, la ville de Québec s’embrase. Alors que la guerre s’enlise en Europe, le gouvernement de Robert L. Borden a décidé d’imposer le service militaire obligatoire pour combler les pertes du Corps expéditionnaire canadien. Depuis, la tension n’a cessé de grimper dans la Belle province alors que l’opinion publique se mobilise contre la conscription. Au soir du 28 mars, l’arrestation d’un présumé réfractaire à Québec met le feu aux poudres. Cinq jours durant les émeutes se succèdent pour finalement tourner au bain de sang. Le 1er avril, la troupe tire sur la foule. Bilan : quatre morts et des dizaines de blessés. Présentée après coup comme le symbole de la résistance nationale des Québécois à l’oppression du reste du Canada, cette crise majeure s’enracine en fait dans un héritage historique plus complexe. Décryptage.

Date : 31 janvier 2013 à 19 h
Conférencière : Béatrice Richard, historienne

À propos de Béatrice Richard

Professeur agrégé, Béatrice Richard enseigne l’histoire au Collège militaire royal de Saint Jean. Membre de la Société historique du Canada et de l’Association québécoise d’histoire politique, elle se spécialise en études culturelles de la guerre et des questions militaires avec un intérêt particulier pour l’attitude des Canadiens français face aux guerres et aux institutions militaires. Lauréate du Prix 2011 pour le meilleur article de la Revue de la Société historique du Canada, elle a obtenu en 2004 le prix C. P. Stacey qui couronne le meilleur livre d’histoire militaire au Canada, avec le livre La mémoire de Dieppe, radioscopie d’un mythe (VLB éditeur), ce qui en fait la première femme et francophone à avoir obtenu cette reconnaissance.

Texte de la conférence

Jeudi 28 mars 1918.

Le Québec s’apprête à célébrer Pâques. Pour la quatrième année consécutive, le printemps s’amorce avec en toile de fond les échos d’une guerre lointaine, meurtrière, incompréhensible voire injustifiée pour nombre d’habitants de la Belle Province. À l’été 1914, il a suffi que l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne pour que le Canada, encore une quasi-colonie, se retrouve automatiquement entraîné dans le conflit. Trois ans plus tard, les Canadiens se voient maintenant contraints d’y envoyer leurs fils. Jusqu’ici, seuls des volontaires s’enrôlaient pour la Grande Croisade contre le Kaiser. Depuis peu, la Loi sur le service militaire conscrit tout Canadien adulte de 20 à 35 ans pour le service outremer – sauf exemption d’un tribunal spécial. Si, d’un océan à l’autre, la population semble s’y résigner, ce n’est pas le cas au Québec où se concentre la résistance au devoir militaire. À cet égard, l’élection récente d’un gouvernement d’Union sous l’égide du Parti conservateur n’a fait que polariser le débat entre anglophones et francophones. Farouchement pro-conscriptionniste, la coalition au pouvoir compte bien profiter de l’appui du Canada anglais pour mater la province récalcitrante. Et pour cause. Vu d’Ottawa, ce bastion canadien-français semble au bord de la guerre civile.